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 [tc] fire meet gasoline.

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Daisy Donovan

Daisy Donovan

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MessageSujet: [tc] fire meet gasoline.   [tc] fire meet gasoline. EmptyJeu 8 Déc - 0:01

But I want to burn with you tonight, Hurt me. There's two of us Bristling with desire, The pleasure's pain and fire, Burn me. So come on, I'll take you on, I ache for love, ache for us. Why don't you come a little closer ? So come on now, Strike the match. We're a perfect match, perfect somehow, We were meant for one another. Come a little closer

Daisy résiste mal à la pression, à cette tension insidieuse qui n'a ni forme, ni nom, mais qui appuie lourdement sur ses os comme un chape de plomb et qui l'englue dans une humeur moins éclatante qu'elle ne supporte pas. Elle, elle est faite pour briller, pour aveugler, pour pétiller, pour fatiguer. Elle est soleil et arc-en-ciel, elle est la lune et les étoiles, l'azur du ciel et le courant des torrents, elle n'est pas faite pour s'éclipser, pour se ternir ou se sentir maladroite sur ses jambes ficelles, sous les mauvaises humeurs qui l'accablent. Et Daisy, elle porte fièrement son coeur en bandoulière, même s'il est muselé. Elle ne dissimule jamais ses émotions, bien qu'elles les taisent dans le secret de son âme verrouillée et lorsqu'elle est contrariée, il lui est difficile de le cacher, de faire bonne impression, de faire bonne figure. Pour cela elle n'est pas une vrai Donovan, digne héritière de son politicien de père, de sa mondaine de mère, de sa petite soeur bêcheuse et parfaite, à l'hypocrisie sucrée. Daisy ne sait pas se contraindre à quoi que ce soit. Elle essaye, pourtant, parce que cette soirée est déjà chaotique et que ses tentatives d'apaiser la situation n'ont fait que la rendre plus brûlante encore et la belle a l'impression d'être de ces nanas impatientes qui, en essayant de démêler un fil, ne font que rendre les noeuds plus ardus, serrés. Jusqu'au point de non retour, où on abandonne, où la corde rompt, où on décide de s'offrir une nouvelle paire d'écouteurs et puis c'est tout. Alors elle s'en est allée, désireuse de vivre la soirée qu'elle s'était promise. De s'amuser, de s'engorger de bruits, de sons, de lumières et de sourires jusqu'à s'en imploser le coeur, jusqu'à combattre l'obscurité glacée de sa chambre sans bougie, sans veilleuse de môme ou lumière de l'aube. Daisy pensait vivre une fête, pas un enterrement et, égoïstement, elle est déçue. Elle n'en veut à personne, ce n'est pas son genre, mais elle finit par offrir sa reddition dans une armistice tiède qui ne satisfait aucune des parties. Le courroux est encore présent partout, juste sous la peau, dans les veines, tapi dans les gorges qui ne le diront pas. Mais il est toujours présent et Daisy refuse de l'appréhender, elle ne veut plus le voir, plus l'entendre, elle désire seulement s'amuser, s'oublier. Alors, dans un entrechat gracieux de ballerine, elle se dérobe à ses amis qu'elle aime tant, à leurs mots couteaux et leurs sentiments trop grands, trop effrayants pour elle qui s'en préserve tant. Leur passion a des allures de croque-mitaine prêt à bondir et Daisy refuse de se faire dévorer. Elle ne veut pas, jamais. Elle attrape deux, trois verres à la volée, entre ses mains délicates, et leur adresse un dernier sourire. Une esquisse éphémère et figée, qui s'excuse et condamne à la fois. Elle rejoint son groupe du début, ces clients qui l'indiffèrent alors qu'habituellement, elle s'offrirait. Elle et ses anecdotes tordantes, elle et son attention avide, elle et ses gestes charmeurs. Elle se donnerait sans ne rien attendre en retour, pas même à habiter quelqu'un entre ses reins. Mais pas ce soir. Ce soir, le coeur n'y est pas. Ce palpitant qui s'éveille, comme sorti d'un long sommeil, et qui refuse de ne pas ressentir l'accable d'une manière inédite. Daisy se surprend à les regarder de loin, ces êtres qui composent son quotidien, qu'elle aime plus que ses propres parents, bien davantage qu'elle-même. Elle les couve du regard et distraitement, inconsciemment, c'est sur Toby que pèsent le plus ses yeux de chat qui hurlent son nom. Toby, et le goût amer qu'il fait naître sur sa langue. Toby, son meilleur ami, Toby le phare au milieu de la tempête, l'éternelle constante. Toby, qui joue à un jeu douloureux, auquel elle est incapable de se soumettre totalement. Daisy ne sait pas ignorer. L'indifférence ne siège pas en elle, elle est toujours sur le fil entre le trop ou le pas assez mais sa désinvolture (parfois blessante) n'est jamais indifférente. Alors la sienne, elle la brûle. Elle le sent, Daisy. Malgré la distance, malgré les bruits et le feu qui crépite, elle a une conscience accrue de la présence de Toby dans son dos, assez pour laisser un courant alternatif, glacé, courir le long de sa colonne vertébrale. Assez pour tendre la peau sur ses os nerveux, elle toujours si insouciante. C'est l'alcool dans ses veines, se persuade Daisy qui a trop bu, comme souvent. C'est sûrement ça, qui lui donne chaud et alimente quelque chose en elle sur lequel elle est incapable de mettre un nom. Un truc qui grimpe comme une plante rampante et la transperce de ses épines. Et puis ça la prend dans une impulsion qu'elle ne contrôle pas : Daisy toujours si nonchalante, si détachée de tout avec sa philosophie de la vie complètement tordue, elle abandonne tout. Elle abandonne son verre entre les mains pataudes d'un de ces types sans saveur, elle abandonne la conversation et oublie même de leur adresser l'un de ses sourires, celui pour lequel on se damnerait et qui la préserve de tout retour de flammes. Daisy a l'impression de flotter à quelques mètres du sol, de fouler à peine la terre meuble de sa démarche éthérée. Elle croit bien qu'elle vole jusqu'à Toby, mue par un ras-le-bol général qu'elle ne laisse jamais exprimer. Daisy, c'est pas la fille qui vous en voudra, qui vous incendiera et puis vous traitera de tous les noms. Non, elle, elle est cool, elle prétend que rien n'est grave et qu'il est important, d'aimer, toujours. Mais c'est difficile d'aimer sans prise, d'aimer un mur froid, qui se dresse devant elle plus encore que la colère d'Iggy. Alors Daisy fend la foule jusqu'à lui et ceint son poignet entre ses doigts minuscules dotés d'une énergie intarissable, celle qui nourrit ses veines et luit jusque dans ses opales insoumises. Daisy l'éloigne un peu, sans un mot, elle n'a même pas vu ce qu'il faisait, avec qui il était, parce que ça n'a aucune importance. Elle refuse la guerre, la môme, elle refuse la bataille rangée et le mépris militaire. Elle veut la paix, et elle est prête à l'exporter dans des fourgons blindés pour l'imposer, si c'est nécessaire. C'est ce que semblent indiquer ses opales habituellement paresseuses rivées sévèrement sur Toby. Daisy ne déconne pas, malgré son minois toujours équivoque, prémices des trésors dont recèlent ses courbes. « T'es vraiment prêt à foutre en l'air plus de vingt ans d'amitié pour deux petits mois de rien du tout ? » Ce n'est pas ce qu'elle veut dire, bien sûr, mais Daisy a la franchise brutale qui fleurit toujours au bord de ses lèvres gourmandes. Elle parle trop vite, sans réfléchir, avec ses tripes. Ce ne sont pas deux petits mois de rien du tout même si c'est le cas, si l'on considère seulement la temporalité. Mais à ses yeux, ils sont importants. Toby, c'est sa plus longue relation, même si ça semble si peu. Toby, c'est celui qui lui a fichu la trouille, une peur bleue, en lui dévoilant ce qu'ils pourraient devenir si jamais elle sautait dans le vide à ses côtés, main dans la main. Mais Daisy, elle est bien sur la berge, à regarder l'orage des sentiments déçus, des amours bafoués, gronder loin d'elle. Alors elle a fait un pas en arrière, puis deux, puis trois. Elle a repris ses cartes en pensant qu'il leur resterait toujours eux, leur amitié indéfectible, la complicité des premiers jours, de toujours, ses bras autour de son cou et ses sourires dans la pénombre. Mais non, ils ne sont plus des mômes et Daisy comprend, doucement, que l'amitié peut avoir une date de péremption. Elle se déteste de devenir ce qu'elle méprise, ces filles aux prises de questionnements ridicules tout juste bons pour Dawson. Elle serait même prête à tout effacer, à supprimer les souvenirs d'eux, de ce dérapage savoureux, juste pour s'éviter cette scène qui ne lui correspond pas, ce texte qui a été écrit pour une autre. Et cette autre, Daisy la jouerait, elle adorerait la jouer, l'habiter, s'approprier ses émotions, ses sentiments. Mais l'être ? Non, ce n'est pas amusant et elle se sent soudainement stupide en face de lui, écrasée par sa stature imposante, par son indifférence narquoise. Elle se sent conne et vulnérable et Daisy déteste ça. Alors elle se dépêche, elle se hâte d'exiger la paix comme un général en mauvaise posture. « Je veux que t'arrêtes de m'éviter, de prétendre que je n'existe pas alors que je me tiens juste à côté. C'est moche et on vaut mieux que ça. » T'entends Toby, la détresse qui s'invite derrière ce timbre de poupée caressante que tu connais si bien ? Daisy, elle, elle n'entend rien, sourde aux propres atermoiements de son corps, de son coeur, de son âme.
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Toby Blackheart

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MessageSujet: Re: [tc] fire meet gasoline.   [tc] fire meet gasoline. EmptyJeu 8 Déc - 2:34

what a wicked game to play, to make me feel this way,
what a wicked thing to do, to let me dream of you.

Et en ce moment précis, Toby, il ne vit pas ce qui est, mais ce qui devrait être. Il se fait prophète, archiviste - ou simplement nostalgique. Il hoche la tête quand on le salue, accepte les verres qu'on lui tend, a le sourire facile, le clin d'œil généreux, se fend d'une boutade épaisse ou l'autre. Toby, vu par les autres. Toby, mis en scène. Il rit quand une blague est prononcée, et son rire est si net, guttural, qu'on ne soupçonnerait pas une seule seconde qu'il n'est pas là, pas vraiment, qu'il a laissé son hologramme devant le chapiteau tandis que son esprit se barrait à toute blinde. Il paraît que si tu fais le tour du monde avec suffisamment de vitesse, tu retournes dans le temps. Il a pris ses jambes à son cou, il s'est barré, il a laissé le présent dans la poussière. Est remonté suffisamment loin pour que le feu de camp lui paraisse sépia. Il ne sait plus à quel moment leur séquence de retrouvailles ô combien inconfortable autour du bar a pris fin – mais il s'en fout. Car sous ses paupières, entrevus à chaque clignement des yeux, il y a les souvenirs. Vingt piges d'embrouilles, d'éclats, de mauvais coups, de vin chaud, de tendresse, de fumée dans les yeux, d'ennui, de rires étouffés, de fatigue, de marrons grillés, de bois qui craque, de folk, d'histoires qui font peur et d'autres qui font sourire, de mots doux, de scandales, de pulls en mailles, d'effroi, de larmes, de taches sur les pantalons, de bougies renversées, d'aveux, d'avant. Vingt piges de feux de camp synthétisées en un seul sentiment : le familier. La mémoire, le dernier refuge du mélancolique. Du terrifié, aussi. Parce que putain, il est terrorisé, Toby. Il voyage dans ses fichiers avec célérité, angoisse, et il se demande s'il les a tous conservés si précieusement car ils étaient chacun, à leur façon, des dernières fois. Et que, dans le fond, il le savait. Malgré les œillères et sa mauvaise tête, l'aveuglement volontaire, il le savait. Il a besoin d'eux, Toby. Sa maison, son cœur, ses membres, les quatre figures de son jeu de carte. Il a peur que leur vie commune soit en train de s'émietter et, étant le seul qui s'y accroche, qui ferme les doigts autour, il ait précipité la décomposition. Il ne sait pas à qui en vouloir. L'option facile, évidente, serait Grey et Iggy. Leur couple royal qui, perdant ses ailes, a favorisé la chute de tous. Un couple qui leur était tellement naturel, qui était tant devenu une partie d'eux tous, que Daisy et Toby s'y sont tous deux immiscés, sans comprendre leur erreur. Comme s'ils voulaient partager la douleur, la culpabilité, les bras, les lèvres. Comme s'ils voulaient réconforter et blesser, faire oublier en se rendant importants. Il aimerait en vouloir à Grey et Iggy d'avoir rencontré un obstacle, un désaccord. Il voudrait pouvoir les rendre coupables de sa peur, son absence de contrôle, ses incertitudes. Il est beaucoup de choses, Toby, mais pas idiot. Réaliste à la lisière du fatalisme, il sait à qui reprocher les ruines. Le temps, cette foutue faucheuse qui les fait grandir, qui les fait déborder. Contre qui il a passé sa vie à se battre. Il se tient là, un verre (le quatrième ? cinquième ?) dans le poing, entre le chapiteau et le foyer ardent, entre deux amis et une 'patiente'. On lui parle, lui raconte des histoires, lui pose des questions, lui demande un rendez-vous. Il a l'air d'être là, Toby, mais ne vous fourvoyez pas. Sous les tempes, il lutte contre le temps. Il est emporté par les souvenirs, jusqu'à être emporté tout court. Il ne se fend pas d'une explication ou d'une excuse envers sa compagnie. Pas même un regard pénitent – tous ses sens sont braqués sur elle. Dee et la somme de ses parties, cheveux, colère, poigne, odeur, démarche. Pris de court, il se laisse emmener, se plie à une volonté qu'il lui serait pourtant si facile de bloquer net. Parce que ça ne lui ressemble pas, à Daisy, cette subite résurgence de sentiments, de réalité, elle qui souhaite toujours ménager la chèvre et le chou et finit immanquablement par écraser les deux dans sa course folle vers un autre jardin. Parce qu'il est curieux, aussi, Toby. Et, putain, parce qu'il en a besoin. Ce contact futile, colérique, cinq doigts fébriles autour de son poignet, c'est envoyer un verre d'eau à la tronche d'un assoiffé. Il ouvre grand la bouche, prêt à se désaltérer de la moindre goutte qu'il arrivera à atteindre. Lorsqu'elle s'arrête, à l'écart des festivités et de la tiédeur des conversations, il ne relève pas l'accusation, pas tout de suite. Croise paresseusement les bras – autant pour faire valoir sa nonchalance que pour l'obliger à lâcher son poignet – et laisse son regard courir sur les silhouettes autour des flammes, au loin. "Non non non, tu ne m'y prendras pas. Tu peux essayer de tourner ça comme tu le veux, j'suis pas un de tes clients, ces pauvres types qui avalent tout. Je te connais, Dee. Tu ne me convaincras pas que c'est moi qui ai foutu notre amitié en l'air." Il y a l'acidité qui tente de poindre sous le flegme apparent. Qui déborde et teinte de jalousie quelques mots superflus. Mais il a du mal à l'avaler, le 'deux petits mois de rien du tout'. Bonjour le poignard. L'expression lui est resté coincée sous la pomme d'Adam, qui oscille difficilement lorsqu'il prend une gorgée de vin chaud, dans le seul but de noyer sous son palais le goût amer du rejet, du mesquin, de l'insupportable. Il n'a même pas baissé le regard vers elle, trop occupé à jouer les princiers connards, port de tête intouchable. Il lui faut qu'elle déballe ses doléances pour qu'il descende les iris vers elle, par dessus ses bras croisés, ses grands chevaux, sa taille, sa pseudo supériorité morale. "Tu veux ? Tu veux ?" Et le ton déborde d'ironique mesquine lorsqu'il ajoute : "Tough shit, princesse. Bienvenue dans la réalité. Il serait grand temps que tu t'habitues à ne pas avoir ce que tu veux." Et il devrait s'arrêter là, il le sait. Les quatre (cinq ?) verre de vins n'y sont pour rien lorsqu'il avance vers elle. Un pas, un second – une respiration s'interrompt, mais il ignore laquelle. L'alcool n'influence en rien son regard étroit, carnassier. Ça, c'est lui, c'est indéniablement lui, entre ses doigts à elle. Avancer purement dans l'optique de savoir à quel moment elle reculera. Un test parmi tant d'autres, perdu dans une longue série d'échecs. "T'as songé à ce que je voulais, moi ?" Elle a les yeux levés vers lui et putain, il serait si facile, là, tout de suite, de laisser sa nuque basculer jusqu'à l'aimant de ses lèvres. Il en a mal à la tête, de la maintenir élevée, de la garder si loin de celle de Daisy. Deux mois qu'il a les tendons qui tirent, le menton qui démange. En lui, quelque part entre les côtes, derrière le bassin, il y a un truc qui rugit. Et lorsqu'elle ne répond pas durant une brève seconde, il exécute un pas en arrière. Chorégraphie : la vie de carton, à laquelle elle a toujours tellement mieux répondu qu'à celle de chair. "Hm. C'est bien ce que je me disais. L'hypocrisie te va mal."  
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Daisy Donovan

Daisy Donovan

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MessageSujet: Re: [tc] fire meet gasoline.   [tc] fire meet gasoline. EmptyDim 11 Déc - 2:29

Daisy, elle déteste se sentir aussi fébrile, emportée par des flots qu'elle ne comprend pas, soumise à cette bête tapie en elle qui rugit, frappe contre ses tempes et semble en mesure de dissoudre ses organes pour mieux en pousser les parois et s'échapper enfin, libérée de sa négligence, de son indifférence, du rejet total de ces choses-là. C'est sa faute, à Toby. C'est lui qui a tendu un os à la créature affamée et chétive à l'intérieur et c'est encore lui qui l'agite à cet instant, elle le sent. Parce qu'il est face à elle, avec ses bras croisés fermés au dialogue, sa nonchalance royale de petit prince de rien et son regard. Son foutu regard qui persiste à se poser partout sauf sur elle et qui, dans son ignorance calculée, la brûle et attise les braises. Des braises sur lesquelles elle refuse de marcher et qui la forcent à piétiner, à rester sur place, sur le carreau alors qu'autour d'elle, d'eux, la vie continue. Et Daisy ne peut plus reculer, pas avec l'alcool qui bat la mesure au rythme d'une pointe de colère qui s'invite en elle, rejointe bien vite par le ressentiment. Celui du manque, celui du rejet, celui qui ne comprend pas. Alors tant pis, elle avance, elle avance sur les braises et serre les dents mais sur son chemin de croix, la voix qui la percute lui fait réaliser qu'elle n'est pas face au bon interlocuteur. Parce qu'il y a le Toby flamboyant, tout feu tout flamme, qui sent le marron grillé ou la cannelle, cette sensation olfactive qui n'existe pas réellement mais lui donne la sensation d'être à l'abri, d'être à la maison. C'est le Toby chaleureux, aimant, tendre derrière ses plaisanteries sous la ceinture et ses sourires goguenards de petit malin. C'est lui qu'elle aime, Daisy, c'est cet homme-là qui lui manque au quotidien, constamment. Parce que chaque jour, il y a quelque chose, un petit rien, une private joke, un détail, une nouvelle, qui donne envie à Daisy de le chercher, de lui jeter un regard de connivence ou un sourire en coin, cette communication non-verbale qui réchauffe le coeur. Mais ce n'est pas lui qu'elle a entraîné à l'écart ce soir. C'est l'autre, celui qui serre la mâchoire et se ferme comme une muraille. Il a le timbre grinçant et les mots couteaux, il écrase de toute sa hauteur comme un colosse et ne sait pas se mouvoir sans blesser ceux qui l'approchent de trop près. Parfois, il partage le même regard que ce paternel honni, cet ogre monstrueux sur qui Toby racontait tant d'histoires affreuses pour la maintenir dans un périmètre de sécurité, à l'écart de sa souffrance, de ses démons. Mais Daisy reconnaît ces yeux-là, même s'ils l'ignorent. Des yeux glacés capables de sonder l'âme et de la brûler comme seul sait le faire le gel le plus polaire. Ce Toby, elle ne l'aime pas moins, elle rêve seulement de le réparer, comme toutes ces optimistes éperdues persuadées de pouvoir porter le monde à bras-le-coeur, de le soigner, de le sauver. Elle rêve de chasser les stigmates de son épiderme et d'apaiser le lion rugissant qui vrombit en lui et le rend parfois si stupide. Elle aimerait savoir recoudre son âme, son coeur, comme d'autres suturent les peaux mais Daisy, elle n'est pas infirmière et malgré ses bons sentiments, sa bienveillance toujours sincère, elle est la sale gosse qui arrache les croûtes, asperge les plaies encore vives de sel et écarte les chairs. Elle n'est pas conscience de ce qu'il endure par sa faute, là est sa tragédie.  « Ce ne sont pas des pauvres types. » Elle défend mollement ses clients qu'il évoque comme si elle était une sorte de pute, et une qui les mènerait en bateau par-dessus le marché. C'est bas mais Daisy conserve un calme de façade même s'il est mécanique, car la désinvolture est l'unique mécanisme de défense de son corps lorsque la fuite n'est pas une option. Et tourner les talons est inenvisageable, elle a beau sentir son propre coeur au bord des lèvres, elle s'est engagée dans un combat fatal et elle n'abandonnera pas, peu importe l'issue. Daisy est venue chercher la paix et n'acceptera aucune compromission. Malgré un corps minuscule et son visage d'ange, elle est féroce dans son entêtement, prête à se laisser pulvériser plutôt qu'à renoncer. Il le sait, Toby, il le sait parce qu'il a connu cette môme difficile, inflammable, qui refusait toujours d'obéir dès lors qu'elle se sentait contrainte. Peut-être même qu'il l'a perfectionnée, cette gamine, qu'il l'a encouragée à s'écouter, à camper sur ses positions, droite sur ses jambes raides comme des baguettes, toujours écorchées. « Alors c'est qui ? » Elle siffle entre ses dents d'opalines, elle siffle autant que lorsqu'elle se sent acculée, qu'elle balance des je ne t'appartiens pas comme pour conjurer un mauvais sort et Daisy réalise, qu'elle est en train de basculer. Parce qu'elle est en colère un sentiment qu'elle appréhende si peu, si mal. Elle ne l'est jamais, rarement du moins, car elle est imperméable à tout ce qui résonne trop fort : tout glisse sur sa peau de pêche et elle chasse les quelques gouttes qui tentent de s'accrocher d'un haussement d'épaules insouciant. Mais si son armure lustrée est efficace contre l'univers entier, elle est inutile contre le centre de son monde, sa famille de coeur, ceux qui gravitent dans son orbite depuis si longtemps qu'ils sont imprimés à l'encre indélébile sur sa peau, jusqu'à son âme sans doute. Toby, il la met sans dessus dessous et ça fait déjà deux putains de mois. Deux mois de silences ou de brèves conversations anodines, vides de sens, qui font tout aussi mal, deux mois de reproches voilés et de fuites en avant qui l'affaiblissent assez pour lui faire perdre pied, pour l'enfermer dans un rôle qui est terrifiant, car il n'en est pas vraiment un : cette fille à la lèvre tremblante et au regard furibond, qui serre les poings et son propre souffle, c'est bien elle. Un elle qu'elle tait, qu'elle ne connaît peu, mais c'est Daisy, vue à travers un kaléidoscope qui dévoilerait enfin toutes ses facettes, sous les iris polaires de Toby, sous son ironie glaçante et sa faculté à l'atteindre de quelques mots bien tournés. Daisy, elle aimerait avoir sa faculté à tirer les ficelles, à faire danser entre ses doigts parce qu'il s'exprime bien, il peut caresser ou gifler, se montrer charmeur ou détestable et elle, elle ne sait pas faire. Elle, elle pense tout haut. C'est tout. C'est ce qu'elle fait à cet instant, elle entrouvre ses lèvres pour laisser échapper ce qui remue à l'intérieur, ce qui est le mélange hautement volatile, toxique, du manque et de la colère, de l'alcool et de la confusion de ses sentiments. Mais Toby s'approche, lui jusque là si passif. Il s'approche et ça lui cloue le bec à Daisy, qui sent ses muscles se tendre sous sa peau de porcelaine. Il avance et elle ne recule pas. Elle attend, suspendue à son souffle, à ses traits, à ses yeux, à ses lèvres. Elle attend sa question qui fuse et sa réponse qui ne se fait pas attendre. « Non. » Non. Un simple non soufflé comme une bulle de savon, dénudé de tout son aplomb légendaire parce qu'elle est troublée, Daisy. Par cette proximité qui la grise après l'avoir tant désirée, par son envie de lâcher les armes et de se fondre entre ses bras pour oublier deux mois chaotiques et par sa réponse qui la frappe. Elle a décidé pour eux, Daisy. Elle l'a fait pour leur bien mais elle l'a fait seule. « Qu'est-ce que tu veux, Toby ? » A part lui couper les ailes, à part la retrancher loin de toi, qu'est-ce que tu veux ? Mais déjà, il s'éloigne, il singe sans le savoir (ou le fait-il sciemment ? elle l'ignore) son propre comportement fuyant et recule. Il s'écarte et toutes ses émotions bouillonnantes, figées par son aura magnétique, s'éveillent à nouveau. La colère, surtout, de cette situation qui s'enlise alors qu'elle pourrait être brisée. « Qu'on s'accorde sur un emploi du temps  ? Qu'on s'évite les jours pairs et qu'on soit des amis les jours impairs ? Oh et puis, je ne sais pas, disons qu'on pourrait peut-être faire l'amour les jours fériés, en toute amitié, puisque ça a l'air de si bien nous réussir. C'est ça que tu veux ? » Daisy énumère ses propositions du ton anecdotique, mécanique, qu'elle n'emploie jamais. Il y a toujours de la chaleur dans son timbre, une mélodie chantante et singulière ou le vrombissement de son sale caractère de cochon. Il n'est jamais aussi neutre, empreint d'une colère froide qui la caractérise si mal, sauf ici, mu par le vin et une forme dangereuse de lassitude. Toby la traite d'hypocrite et Daisy se sent vriller. Elle tremble à l'intérieur et cherche un point d'appui, un point d'ancrage mais n'en trouvant point, se contente de se raccrocher à ses traits plus ombres que lumière ce soir et elle lance une dernière offensive. Ses soldats sont à l'agonie, ils ont subi de lourdes pertes, ils ont mal, ils ont froid, ils ont peur, ils sont fatigués d'attaquer leurs semblables, et leur procession n'a rien d'intimidante. Comme Daisy à cet instant, sans doute. « Très bien, si tu veux. Je suis une hypocrite parce que je n'ai pas voulu prendre le risque de te perdre. » Daisy, la petite fille qui n'avait peur de rien et qui, en grandissant, a développé sa propre idée du croque-mitaine en le fondant dans son coeur qu'elle imagine carnivore, un coeur qui voudrait trop, qui demanderait trop et finirait immanquablement abandonné, en souffrance, à l'abandon, d'une douleur qu'elle n'est pas certaine de supporter. Ses opales soudain fuyantes se portent jusqu'aux silhouettes floues de leurs amis, au loin. Cette entité qui a si souvent été une et qui s'est brisée en vol, en une poussière de débris trop fine, impossibles à recoller. Ils étaient un, absolu, infini, beau et ce soir les voilà deux, brisés, déçus, affligés. Abîmés. Daisy, elle ne voulait pas que Toby et elle leur ressemble un jour, c'est aussi simple que ça. « Tu me plais. Je le sais, tu le sais, mais si c'était à refaire, j'agirais de l'exacte même façon parce que je refuse qu'un jour, on devienne comme eux. Je le supporterai pas. Et ça aussi, tu le sais. » Sinon, il n'essayerait pas de la rendre dingue en l'ignorant. Mais Daisy, elle a seulement souhaité les préserver d'une dissolution qu'elle imaginait inévitable et si pour ce faire elle devait sacrifier l'amant au profit de l'ami, ainsi soit-il. Elle déglutit, mal à l'aise à l'idée de sentir son coeur logé entre les paumes de Toby et ses entrailles étalées sur le sol. Daisy, elle a besoin d'une entracte entre deux actes de sa propre tragédie alors elle se concentre. Elle se concentre de toutes ses forces, elle lève le nez au ciel et prie tous ces esprits navajos auxquels elle n'a jamais cru, en eux pas plus qu'en toutes les chimères qu'on appelle dieu. Mais elle fait une exception pour ce soir et elle implore de la pluie. Elle rêve de trombes d'eau qui s'abattraient sur eux pour diluer les tensions, qui les ramèneraient des années en arrière. Et promis, juré, Daisy oublierait tout, elle se délesterait de tout pour sauter sur son dos et s'accrocher à sa nuque en le traitant de canard. Si sa vie était un film romantique comme les aimait Iggy, Daisy ferait en sorte que ce soit l'instant où tout bascule, la scène avec les gros moyens, le baiser sous la pluie, la musique de nouille et sortez les violons. Mais il pleut rarement, en Arizona et elle a toujours préféré le drame à la comédie.
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Toby Blackheart

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MessageSujet: Re: [tc] fire meet gasoline.   [tc] fire meet gasoline. EmptyDim 11 Déc - 23:00

Et bien qu'il ne soit pas certain de l'avouer tout haut un jour, de se le confesser à lui-même – ça fait du bien. De constater qu'elle sait être humaine, Daisy, dans tout ce que ça implique de sanglant et de divin. De voir la colère rougir ses joues, rétrécir son regard, l'obliger à affronter Toby, poings frêles en avant et consonnes sonores, vacillantes. De savoir qu'elle souffre, même un peu, même une portion infime de la douleur qui lui lèche les poumons à lui. Parce que se l'avouer, c'est reconnaître qu'il n'est peut-être pas le protecteur irréprochable qu'il s'est toujours targué d'être envers elle. Envers eux tous. Celui qui la pousse au bord du précipice et la rattrape en contrebas, celui qui porte, qui couvre, qui borde, qui donne un pull, une main, ses bras, son temps. Et il refuse de remettre ce statut en question, car s'il n'est pas ce type là, il ignore qui il est, Toby. C'est ça, sa grâce rédemptrice, son accroche, son identité, la seule chose qui l'empêche d'être le monstre qu'il a peur de devenir. Son amitié inconditionnelle. Son soutien. Sa présence, toujours là, jamais bien loin. Il a envie de la détester, Dee, d'être celle qui lui fait tout remettre en question, qui piétine les bases de celui qu'il croyait (voulait) être. Déjà deux mois qu'il est sur le fil, qu'il s'est fait absence lourde de sens, vide sonore. Qu'il joue le fantôme pour faire résonner sa présence rugissante. Déjà deux mois qu'il n'est plus le Toby d'avant. Il est resté dans le lit de Dee, ce crétin là. Il n'a jamais osé aller l'y récupérer. Il ne devrait pas se réjouir de la détresse de son amie. Il ne devrait pas. Mais putain, ça fait du bien. Elle défend ses clients sans entrain et il roule des orbites. L'insolence, sa réponse à tout. Qui ne cesse jamais d'agacer Dee. Elle qui est bien trop aveugle pour s'apercevoir qu'il n'abuse du mouvement qu'afin d'inciter une réaction chez elle. Il a envie de lui dire qu'il s'en fout de ses clients, et qu'elle devrait en faire de même. Qu'elle devrait arrêter de leur accorder plus d'attention qu'à ceux qui comptent, qu'à eux, qu'à lui. La serveuse tend l'oreille, tandis que l'amie s'y plaque les paumes pour ne rien entendre, pour continuer à vivre dans son univers alternatif où rien n'est abîmé, car rien n'est réel. Et il mérite mieux que ça, Toby. Malgré son comportement merdique et ses bras croisés. Après tout ce temps, il mérite un peu d'empathie. Elle garde la bouche détendue, la nuque mobile, mais il est certain qu'elle ne s'en est pas allée, l'étincelle du courroux. Elle est toujours là, elle scintille sous la peau, prête à être ranimée par les mots silex. Parce que Toby, il aime les flammes, il a la pyromanie poète. Il ne répond pas à sa question rhétorique, les yeux dansant loin d'elle. Car aucune réponse ne pourra en dire aussi long que son silence accusateur. C'est toi, Dee. C'est toi. Elle et sa nonchalance émotionnelle, son je-m'en-foutisme bien-pensant. Elle et son autonomie factice, qui clame n'être à personne tandis qu'elle s'embourbe un peu plus dans la co-dépendance. Elle et sa cécité tenace, qui fait passer Toby pour un clairvoyant en comparaison. Elle qui se promène tous sens bouchés, les trois singes de la sagesse à elle seule. Et il doit aimer la souffrance, Toby, il n'y a pas d'autres explication. Car pourquoi diable, dans le cas contraire, fallait-il qu'il s'éprenne d'Helen Keller ? Approximativement un quart de siècle qu'ils se connaissent. Mis bout à bout, c'est des années qu'elle a passé sur son dos, à ses côtés, entre ses bras, dans son lit. Des années. Il sait quelles ficelles tirer pour la ramener à la surface. L'obliger à affronter l'inconfort du bruit, de la lumière, de l'oxygène -  son âme sœur amphibie qui a toujours préféré le détachement des fonds marins. Elle s'agite, vibre, sa respiration est chaotique, et Toby ravale un sourire avant qu'elle ne l'intercepte. Bienvenue sur terre, la sirène. Elle se moque de lui, égrenant quelques propositions absurdes qui lui font l'effet d'un lavage d'estomac. En réponse, la bouche de Toby s'emplit de venin, ses canines s'allongent jusqu'à pousser ses lèvres à s'ouvrir grand. "Tu m'as jeté parce que tu ne voulais pas me perdre ? Tu le comprends le paradoxe, ou faut mettre des didascalies autour pour que ça percute ?" Ils l'ont atteint, c'est officiel. Le point que Daisy craint, celui des agressives vérités. Ils l'ont atteint. Il n'est pas naïf, Tobs, il a bien des défauts mais pas celui-là. Il sait qu'ils en ont besoin, plus que n'importe quel mot doux, quelle caresse verbale et souvenir tendre. Ils se sont aimés trop longtemps pour ne pas se détester un peu. Et ça le frappe, la portée de quelques mots, 'parce que je refuse qu'un jour, on devienne comme eux'. Il y voit des signes, des néons qui clignotent, mais il a les synapses exténuées. Si son cœur suivrait Dee au bout du monde, ses neurones ont cessé de lui faire confiance. Et s'il y a une partie (pathétique) de lui qui bat la chamade, qui crie à l'espoir, à quelque chose d'encourageant dans cette comparaison avec Eux, il y a l'autre. Le Toby qui ne croit en rien, certainement pas en elle, certainement pas en lui-même. C'est ce Toby là qui a les rênes, et il les utilise pour tourner le dos à Daisy. Se pincer l'arrête du nez, et d'un mouvement tellement rapide qu'il en est flou, il envoie son verre en plastique dans le décor. Celui-ci crashe contre un arbuste, et le contenu maigre se répand jusqu'à la terre. Grey le tuerait. "J'ai compris, ok ?" C'est de derrière des dents serrées que les mots s'échappent, difficilement. "J'ai compris. Tu ne m'appartiens pas. Tu l'as suffisamment répété." Au jeux des hypocrites, elle a trouvé un adversaire de taille. Car, malgré lui, il ajoute : "T'avais pas besoin de coucher avec Grey pour enfoncer le clou."  Un quart de siècle à s'être sondé l'un l'autre. Elle le connaît sur le bout des doigts, Toby. C'était impossible, im-po-ssible, qu'elle ignore combien ça lui ferait mal d'apprendre ça. Deux poids deux mesures, certes, car il est allé oublier sa sirène dans une chevelure rousse. Mais c'est pas pareil, ça n'a rien à voir, car Daisy, elle vit sous l'eau, mais Toby, il a le goût des flammes, de la passion, de ses propres cendres. Elle devait savoir qu'il n'oublierait pas en claquant des doigts, pas comme elle. Il ne se retourne pas entièrement, ne lui offre que son profil. Il a les yeux fixés sur une silhouette rousse, près du feu de camp. Une ombre qui rougeoie. C'est définitif : il aime la douleur, Toby. S'il en était autrement, ce serait d'une Iggy dont il se serait imprégné. Il va pêcher dans la poche de sa veste jusqu'à en ressortir un paquet froissé de clopes. Lorsqu'il en allume une, elle devient braise – et ça a quelque chose de rassurant, de voir la conversation partir en fumée. "Cinq ans. Ils sont restés ensemble cinq putains d'années. De quel droit on les voit comme un échec ?" Si le ton est plus doux, s'il a pris l'odeur des secrets, il y a l'amertume derrière, qui est désormais tout ce qu'il est foutu d'offrir à Daisy. "Ok, ils se déchirent. Ça n'empêche qu'ils ont chacun plus aimé, plus vécu, que toi et moi réunis." Jeu dangereux, vouloir voler trop près du soleil. Eux deux, ils ne sont pas Grey et Iggy. Ils n'ont ni leur constance, ni leurs certitudes. Certainement pas leurs sentiments. Et ce n'est définitivement pas ça qu'il veut, Toby. Cinq ans. La vérité, c'est qu'il ne sait pas ce qu'il veut – son petit coup d'éclat, c'était du bluff. La vérité, c'est que s'il en avait la moindre idée, il serait occupé à se battre pour l'obtenir. Pas à fixer le feu, au loin, jusqu'à ce que ses reflets aillent se perdre dans les volutes de fumée qui s'élèvent devant ses pupilles.
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Daisy Donovan

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MessageSujet: Re: [tc] fire meet gasoline.   [tc] fire meet gasoline. EmptyJeu 15 Déc - 20:18

Alors c'est ça. C'est ça, l'ivresse des sentiments, les tumultes des passions et la douleur lancinante, poétique, des amours brisés. Daisy croit bien qu'elle ressent les affres de tout ce qu'elle craint pour la toute première fois et ça lui file presque une affreuse sensation de nausée. Pas celle des lendemains de soirée ou des soirées pizzas/glaces trop caloriques pour son propre bien, non. La vraie, la profonde, celle qui vient du fond des entrailles et se déverse partout comme un poison. C'est la nausée d'un coup de poing dans l'estomac, de serres griffues autour de son coeur, de l'eau dans les poumons. C'est l'acidité de la colère qui ronge et du goût métallique du gâchis, qu'on pourrait presque confondre avec celui du sang que Toby connaît tant. Daisy, elle vacille. Elle a mal, physiquement mal de la peine concrète dans laquelle la plonge une conversation qu'elle n'a pas désirée ainsi. Elle, elle se promène toujours nimbée dans son optimisme sucré comme dans un cocon protecteur et elle attend des autres qu'ils tournent gentiment dans la paume de sa main, au chaud, protégés. Daisy, elle imagine les discussions, elle espère les réactions et sans en avoir conscience, elle est dotée de cette cruauté doucereuse qui guide dans son sens, qui attire à elle et attend que le monde se plie à sa volonté sous des prétextes de grande dame. Parce que sa volonté, elle est gentille, elle est positive, elle est facile alors elle tente de la coller sur le front du monde comme un tyran imposerait son idéologie sous les caresses et les mots doux. Même sous couvert de douceur, une dictature n'en reste pas moins dénuée d'autonomie, de liberté. Et quand le rideau tombe, lorsque le régime s'effondre, la chute est fatale. Douloureuse. C'est ce qu'il fait, Toby. Il la force à contempler ce qu'elle a fait sans le vouloir, ce qu'elle a provoqué en essayant de les préserver. Daisy ne veut rien voir, elle aimerait fermer les yeux, pivoter sur ses jambes de danseuse et fuir jusqu'aux premiers bras réconfortants qui s'ouvriraient pour elle. Et lui, son meilleur ami, il lui maintient les yeux grand ouverts sur des ruines encore fumantes, il retourne son insolence contre elle et utilise tout ce qu'il sait par coeur pour l'atteindre en plein coeur. Et ça marche. Daisy a l'impression que son masque de désinvolture se craquelle de toutes parts et qu'à l'intérieur, tout est laid. Tout est bouillonnant, déformé par le spectre de la colère qu'il agite partout en elle, Toby. Elle lui en veut, Daisy, ça la frappe. Elle lui en veut de la repousser et encore plus de les contraindre à ça, cette fureur qui brûle, ce poison qui agite l'alcool dans ses veines et dilate ses prunelles hallucinées à mesure qu'il lui sert ses grands airs, ses sourires de petit con, sa panoplie de sale gosse ravi de filer des coups de pieds dans la fourmilière. Il a toujours été comme ça, Tobs, la rancune tenace, la frustration amère. Il est entier, c'est ce qu'elle a toujours aimé chez lui. Sauf ce soir. Sauf maintenant, où il arrache à mains nues l'armoire ouatée qui la protège depuis toujours et qui, si elle ne l'a jamais empêché de s'écorcher les genoux, lui a épargné des bleus au coeur. « Arrête, s'il te plaît. Ça ne sert à rien de faire ça. » Daisy, elle a la respiration qui siffle et le regard enflammé mais elle le supplie pourtant, elle l'implore d'arrêter de la pousser à bout, de la forcer hors de son terrier parce qu'elle ne veut pas faire ça. Elever la voix, hausser le ton, laisser perler les rancunes et les regrets tus depuis si longtemps. Parce qu'elle pardonne, Dee, mais elle n'oublie rien, elle fait seulement semblant et ouvrir la boîte de pandore, c'est dangereux. Il ne voit pas, Toby, ce qu'ils font ? Il est pétri de rancoeur, une rancoeur dont elle ne discerne que les contours flous sans la comprendre. Et ça fait deux mois, deux mois qu'il la traîne à ses chevilles comme un poison. Elle le sait, Dee, qu'entretenir de la rancoeur c'est avaler du poison et attendre que l'autre en crève. Mais Toby est grand prince, il partage, comme dans les tragédies qui lui semblent si jolies, de loin, alors elle aussi, a eu droit à sa coupe de venin. C'est lui qui s'exprime, au fil des secondes, c'est lui qui prend le pas sur elle et ça l'effraie, de savoir qu'elle aussi, a ça en elle. Cette faculté à éprouver si fort. « Non, c'est toi qui ne percute rien parce que t'es aveuglé par ce putain d'ego qui prend toute la place !! » Tu déformes tout, Toby, c'est ce qu'hurle son regard brillant dardé sur lui bien plus durement qu'à l'accoutumée. Peut-être que c'est elle qui ne pige rien, mais Daisy n'est pas en mesure de réfléchir. Elle déteste les complications, elle est mal armée face à elles, et elle est asphyxiée, les poumons noyés par la déferlante qui est venue s'écraser sur elle, sur eux. « Je ne t'ai pas jeté, j'ai seulement compris plus vite que toi qu'on faisait une connerie monumentale. » Daisy, elle est novice mais avec la confusion comme carburant et le goût du gâchis sur la langue, de cette soirée, de leur amitié, de leur colocation, elle apprend vite. Elle imite l'acerbe de son ton pour cacher la douleur de son timbre, elle persiste à se raccrocher aux dernières miettes de sa désinvolture salvatrice, même si elle est trouée, même si elle est en cendres. Mais elle a beau essayer, elle n'a pas le talent de Toby pour l'auto-destruction, elle n'a pas assez souffert la princesse, pour s'enflammer. Alors elle oscille, sur le fil comme une funambule ivre. Elle s'essaye au mordant pour s'excuser d'une caresse à la seconde suivante. « T'es mon meilleur ami. Le seul. C'est ça que j'ai voulu préserver parce que c'est précieux pour moi, c'est mille fois plus important qu'un homme dans mon pieu et toi, entre tous, t'es censé le savoir. » Toby, il est censé le savoir parce qu'il connaît sa philosophie, son caractère volage qui donne, donne et donne sans ne rien attendre en retour. Il a sans doute toujours su qu'un jour elle se brûlerait les ailes, mais pas avec lui. Ca c'est l'inconnue de l'équation. « J'aimerais que tout redevienne comme avant... » Elle souffle ça en baissant les paupières sur ses bottes, alors qu'un poids lourd vient écraser ses épaules. Et si ce n'était plus possible ? Et si leur complicité s'était étiolée à tout jamais, perdue dans leurs soupirs ? Daisy sent la sueur froide courir le long de sa colonne vertébrale face à une idée qui l'effraie plus que les autres. Et s'il n'y avait aucun retour en arrière possible ? Peut-être que la seule solution, ça aurait été de continuer. Courir gaiement à la catastrophe et profiter de tout ce qu'ils s'apportaient en attendant l'impact fatal qui les aurait dispersés proprement au lieu de ce long délitement... C'est le bruit du plastique jeté au loin qui interrompt sa léthargie. Toby lui tourne le dos et Daisy se surprend à rechercher un contact qui ne trouvera pas preneur, une fois encore. Mais elle est tactile, elle a la tendresse vibrante au bout des doigts, la vision sensorielle qui préfère toucher qu'observer. Elle en a besoin, de ce contact, pour se prouver qu'ils ne sont pas à des milliers de kilomètres, mais juste à côté. Qu'il suffirait de le vouloir, pour se rapprocher. Alors elle le fait. Elle se rapproche en deux foulées à la souplesse féline, Dee, elle se glisse dans son dos et esquisse une caresse fébrile, de ses doigts qui effleurent la peau à travers le tissu et mesurent les muscles noués, tendus, par sa faute. Ce sont les paroles de Toby, difficiles, sèches et cassantes comme du bois mort, qui offrent à la main délicate l'effet d'un électrochoc. Daisy a la gorge nouée, elle aimerait lui dire que c'est faux, qu'il a tort, qu'elle ne l'a jamais dit à lui. Parce qu'elle lui appartient et qu'il est à elle, d'une façon différente, certes, mais d'une manière plus forte que tout, forte des années à deux, des tempêtes traversées. Mais elle se tait parce qu'il évoque Grey et elle ressent l'envie de le gifler jusqu'à y imprimer sa marque. Daisy, elle n'a jamais levé la main sur personne, elle croyait même ne pas avoir ça en elle, une violence contenue, une soif de domination. Et pourtant, elle sent les fourmis au bout de ses doigts, les mêmes qui viennent juste de frôler son dos pour l'apaiser. Ils ont faim de contact, et ce besoin impérieux devient létal. Si elle referme la témérité de ses doigts derrière un poing fébrile, Daisy ne peut pas s'empêcher de rire. D'un rire qui n'a rien de sa mélodie habituelle, il est froid, cynique, parce que putain, de quel droit se permet-il ce genre de réflexion ? Il est couillu, Tobs, elle le reconnaît et il est d'une mauvaise foi infinie, elle le sait, c'est une vraie drama queen, pire qu'une nana. Elle l'a assez chambré avec ça, mais bon sang, que le moment est mal choisi. Daisy, elle pourrait même rouler des billes à sa manière pour mieux asseoir le mépris glaçant qu'elle en vient à ressentir. Elle n'en fait rien, à la place, elle devient lapidaire, mauvaise, mordante. Fermée au dialogue, comme lui. « Tu vois, elle est , la différence entre toi et moi. Je ne l'ai pas fait pour enfoncer le clou comme tu dis, pour vous blesser, toi ou Iggy. Moi, j'ai pas besoin de faire mal pour montrer que j'ai mal. » Sa voix qui gronde, qui tranche comme un scalpel, elle n'entend pas la détresse de Toby, sa douleur. Elle ne perçoit que sa provocation, que la mauvaise foi de celui qui est allé coucher gaiement avec sa meilleure amie sans qu'elle ne lui en veuille. Pas une seule seconde. « Ce n'était pas calculé. C'est arrivé, c'est tout. Parce que Grey, il allait mal, il puait le désespoir, il avait bu et j'étais là. Ça aurait pu être quelqu’un d’autre mais ce fut moi et ça devrait pas être grave. Parce que ça n'a rien changé. » Grey aime toujours Iggy, Iggy aime toujours Grey. Daisy ne s'est pas soudainement découvert un amour dévorant pour lui ou inversement. Ils ont fait l'amitié, pas l'amour, ils ont étouffé un chagrin derrière des soupirs. C'était sans complications, tendre, bien et c'est tout, mais Daisy a la décence de le taire. Et elle imagine qu'il en a été de même pour eux même si elle n'y pense pas, jamais. Son cerveau a un instinct de survie aiguisé, il connaît les recoins poussiéreux à ne jamais explorer, il sait qu'en creusant, on peut découvrir des trésors ou des squelettes et dans le doute, il préfère ne rien faire. Parce que Daisy, elle n'a pas toujours l'âme libertine. Elle aime s'imaginer ainsi, dans un fantasme assumé mais la réalité est plus nuancée et au fond d'elle, elle sait qu'imaginer Toby et Iggy ensemble serait ouvrir une voie royale à ce qu'elle empêche d'éclore en elle. Alors elle élude. Comme elle tente d'éluder sa colère qui gronde et son envie de secouer Toby, de s'accrocher à lui avec un pathétisme qui lui fait horreur jusqu'à ce qu'il lui revienne, jusqu'à ce qu'ils se promettent que tout ira bien. Elle élude tout, concentrée sur la braise rougeoyante qui éclaire partiellement ce visage qu'elle connaît par coeur, qu'elle a tant redessiné de ses doigts et qui était son foyer. Le seul. Le vrai. Daisy dévisage le profil qu'il lui offre et suit finalement son regard vers leurs amis blessés, leurs amis brisés, qu'elle aimerait tant recoller, attacher ensemble jusqu'à la fin, forcer à être heureux. Elle soupire, Dee. Elle expire un souffle de souffre, qui précède ou suit l'éruption, elle ne sait pas, elle ne sait plus, si c'est le calme avant la tempête ou au contraire, si l'ouragan est passé et qu'ils ont survécu. « Je sais. » souffle-t-elle doucement. Elle sait, Daisy, qu'ils ne sont pas un putain d'échec, qu'ils ont tant vécu. Dans la solitude de son lit, dans ce silence qu'elle déteste, elle s'est parfois rêvée à leur place, juste pour quelques secondes, tant leur tableau semblait idyllique. Grey et Iggy, c'était son exemple à suivre. Celui dont elle ne voulait pas pour l'instant mais qu'elle espérait pour plus tard, quand elle serait grande, quand elle serait prête, quand elle n'aurait plus peur. Et même si eux volent en éclats, alors il lui reste quel espoir, à elle ? Aucun. « Mais regarde-les. Ils s'aiment, ça crève les yeux. Ils s'aiment mais ils sont misérables et ils se font du mal. Tu penses vraiment que ça vaut la peine de souffrir autant ? » Daisy, elle ne le croit pas. Elle, elle a peur du jour où l'amour disparaît, où les souvenirs s'estompent et où il ne reste que le négatif, qu'une forme sournoise d'indifférence qui devient colère et même haine. Les sentiments, c'est poétique mais dans leurs abysses, dans leur essence la plus primitive, c'est d'une laideur monstre. Un nouveau soupir s'échappe d'entre ses lèvres pleines. Elle est fatiguée, Dee, lasse de cette soirée loin de ses espérances, de ce combat perdu d'avance parce qu'en le blessant, elle se fait du mal, de la froideur qui règne entre eux. D'un geste agile, aussi fluide qu'une liane, son bras se déroule pour venir dérober la cigarette entre les lèvres de Toby. Daisy n'est pas fumeuse, elle a la cigarette parasite parfois, en soirée, en déprime, pour le style ou l'art. Là, elle en a besoin. Tant pour calmer la houle en elle que pour partager encore un petit rien avec lui, même si ce n'est que des braises toxiques. Leurs braises. « Est-ce que tu me pardonneras un jour ? » Le silence qui l'accable la terre dans ses insécurités, dans sa peur du rejet, de l'abandon, de la solitude. Daisy, elle s'entend prononcer ces mots sans l'avoir décidé, ni mesuré. Elle lui offre le coup de grâce à Toby, elle lui tend l'arme et puis sa nuque et accepte de périr de ses mains s'il le faut. C'est mieux que rien, mieux que ses doutes ou leurs mots abominables.
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Toby Blackheart

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MessageSujet: Re: [tc] fire meet gasoline.   [tc] fire meet gasoline. EmptyVen 16 Déc - 0:27

you learned to apply pressure to wounds
when you threw your lover angrily against a wall,
but you don’t know where to push down
now that your entire body feels numb.

Toby serre les dents. La colère se répand dans ses veines comme une coulée de lave. Epaisse, inexorable, destructrice. Elle connaît bien le chemin. Elle a l'habitude. Hello darkness, my old friend. Quelque part dans son estomac, la rage rencontre le bien trop inflammable vin chaud. Aussi facilement que ça, le feu de camp, c'est lui. Il a les fusibles sensibles, Toby. Il porte les flammes sur l'épiderme. Depuis toujours. Elle le sait. Elle sait comment et surtout, elle sait pourquoi. Pourtant, en un quart de siècle, elle n'a jamais été confrontée au retour de flammes. Dee, c'était l'inverse, c'était sa flotte, sa clé, son remède à tout. Celle qui acceptait silencieusement, pansait les plaies, embrassait les bleus. Apaisait. Il aurait dû s'y attendre. Tout finirait par changer. Elle abjurerait son rôle implicite dès qu'il ne l'arrangeait plus. Il aurait dû deviner l'issue car il la connaît elle, mieux que les lignes de sa propre main. Car si Daisy est bien des choses – une piètre cuisinière mais une merveilleuse comédienne, une vieille âme et une gamine, une morsure et une âme-sœur – elle est avant tout une putain d'égoïste. Ce n'est pas sa meilleure amie qui se tient devant lui, mais un soldat de plomb, minuscule, rigide, ridicule. Qui ne voit aucun problème à l'idée d'enfoncer sa baïonnette dans les tripes de Toby et la retourner jusque – jusque quoi exactement ? Qu'est-ce qu'elle attend de lui ? Il a envie de lui crier de battre en retraite, de se planquer, car elle sait de quoi il est capable. Et bien qu'il ne serait jamais, jamais, capable de toucher Daisy avec autre chose qu'une adoration dévote, il craint les blessures infligées par les mots. C'est elle qui a forcé la communication. Qui l'a littéralement traîné jusqu'à ce point de non-retour, qu'il pensait naïvement avoir déjà traversé lorsque sa bouche était allée se perdre dans sa nuque gracile. Peut-être que c'était prévisible, venant de lui. Toby l'inconstant, Toby le sanguin qui, s'ils ne sont pas capables de fermer les plaies ouvertes, préfère la chute à l'inertie. Et si ce n'est pas ça qu'elle cherche - une réaction à tout prix, n'importe laquelle, tant qu'il lui parle, daigne baisser les yeux vers elle – si ce n'est pas ça, alors elle ne pourrait s'y prendre plus mal. Si elle espère quoi que ce soit de positif, de "constructif" ou tous ces adjectifs fabulés en lesquels elle continue de croire, alors la seule option serait qu'elle s'en aille, qu'elle tourne les talons maintenant. Avant que l'incendie en lui n'aille lui roussir ses mains à elle. Ça ne sert à rien/putain d'égo/connerie monumentale. Et voilà. Il a tiré un peu trop fort sur la corde qui s'échappait des lèvres de Daisy, et c'est désormais des kilomètres de rancœur qui se déversent de sa bouche, s'écrasent aux pieds de Toby. Même elle n'a plus l'air de croire en ses propres contes de fées, ce besoin de tout arranger, tout lisser, même si c'est fait à la va-vite, même si c'est bancal. Sa philosophie éternelle. Tant qu'elle n'y voit que du feu, c'est le principal. Tant que sa façade de carton lui paraît réelle à elle, on s'en contentera. Si Toby bout, la cause n'en est pas deux mois de silence, ni soixante jours de gémissements étouffés. C'est vingt ans d'obstination aveugle, de tyrannie indolente. De s'être tu parce qu'elle ne pouvait pas entendre. Daisy, c'est cette gamine pour qui il faut maintenir la charade, enfiler le costume de Père Noël pour venir déposer les cadeaux au pied du sapin, lui raconter que le clebs mourant est parti vivre dans une ferme – histoire de maintenir le mythe en vie. Il ne faudrait pas que, par malheur, sa bulle vienne à se percer. Alors on marche sur des oeufs, on lisse ses cheveux, on invente des histoires qui, dans le monde des adultes, portent le nom de mensonges. Il en a sa claque, Toby. Il n'en peut plus, des chuchotements. Ça fait vingt piges qu'il désire hurler. Mais elle n'en a pas terminé, Dee. Elle continue. Elle a ouvert les valves et semble vouloir attendre de s'assécher. Et s'il fume en silence – au propre comme au figuré – ce n'est pas par magnanimité. Il n'en a jamais rien eu à branler, de la politesse. Il scelle les lèvres car il aurait trop peur de l'interrompre. Il veut écouter le moindre mot qui glisse hors de cette bouche à laquelle il n'a jamais arrêté de rêver, cette bouche tatouée sur ses paupières. Il veut savoir jusqu'où elle ira d'elle-même, jusqu'où la rage auto-générée parviendra à l'emmener. Il exige savoir jusqu'à quel degré elle enfoncera son poignard. Prévisible, right, Dee ? Cet instinct autodestructeur chez lui qui, il le sait, inquiète Daisy et lui fait peur tour à tour. Alors il se tait, car il a besoin d'entendre les horreurs qu'elle est capable de lui envoyer au visage avant que sa conscience ne la rattrape. Ça fait du bien, de la laisser derrière, pas vrai ? On court plus vite sans. On est plus léger. Il se tait, même lorsqu'elle se faufile derrière lui, glisse une main dans son dos. L'espace d'une seconde, la respiration de Toby se fait graveleuse, jusqu'à rester coincée dans le fond de sa gorge. Va-t'en. Va-t'en ! "Moi, j'ai pas besoin de faire mal pour montrer que j'ai mal." Dans ce cas, qu'est-ce qu'elle fout encore là ? Il reste muet, même s'il doit se mordre la langue pour y parvenir, même s'il sent une goutte de sang y perler. Fallait bien que ça arrive à un moment ou à un autre. L'hémoglobine, sa seule divinité. Comme un clown au foulard coloré, elle continue à vomir ses fausses vérités, n'a pas encore dévoilé l'extrémité de sa corde – même si Dieu sait qu'elle est suffisamment longue pour que Toby s'y pende. "Tu penses vraiment que ça vaut la peine de souffrir autant ?" Les mots semblent résonner autour de lui, et il ne peut contenir un sourire mauvais. Oui, il le pense. Comment peut-elle vouloir lui prêcher l'inverse, à lui ? Car la douleur, c'est la seule maîtresse à laquelle Toby soit resté fidèle. C'est une amie d'enfance, au même titre que Dee, voire plus. Après tout, il l'a connue en premier. Dans le fond, il le sait, que tous leurs problèmes, tous leurs ressentiments, surgissent d'une seule formule : lui, il préfère la souffrance aux fables. Comme en guise d'illustration, elle abat sa dernière carte. Cette putain de question qu'il a envie de lui renvoyer au visage. Un chantage autant qu'une torture. "Oui." La réponse fuse, facile, évidente. "Oui, je finirai par te pardonner un jour. Evidemment. Mais –" si le ton paraissait jusqu'ici neutre, froid, le brasier se relance. Alimenté par rien d'autres que les mots entendus, s'entrechoquant dans ses pensées jusqu'à causer un mal de crâne titanesque. Il y a l'alcool, il y a la fatigue, il y a la hargne. La déception. Un homme dans mon pieu/la différence entre toi et moi/connerie monumentale. Il voudrait tirer sur sa clope, mais même ça, elle lui a enlevé. "Ça ne redeviendra jamais comme avant. Jamais, Dee. Je préfère te le dire avant que tu ne t'épuises, mais cette amitié que tu réclames, ton petit monde où tout est beau, où tout est immuable, tu peux en faire le deuil tout de suite." Le rythme est lent, mais baigné de venin. Même si une partie de lui y croit, sa notoire fibre fataliste, même s'il lui dit la vérité, il l'énonce aussi douloureusement que possible. Il est bon joueur, Toby. Il partage le supplice. S'il descend en enfer, elle vient avec lui. "J'ai cru que j'étais plus qu'un 'homme dans ton pieu'. J'ai cru que c'était différent parce que c'était moi. Je suppose que ça aussi, c'était mon ego." Il s'est tu, Toby, pour dresser une liste de toutes ses accusations. Pour les synthétiser, les réarranger, jusqu'à être sûr de pouvoir les lui renvoyer avec force. Jusqu'à être certain que son coup droit soit létal. "Tu voudrais qu'on oublie, qu'on passe l'éponge, comme si de rien n'était ? Mais réveille-toi. Je suis pas Grey. Toi et moi, ça a tout changé." Les muscles de ses omoplates sont si noués qu'il se demande s'il va un jour parvenir à redescendre les épaules. Et s'il avait la tête à ça, la parabole du masseur remonté comme un ressort l'amuserait. Il y a sa cigarette à lui, au bord de ses lèvres à elle, et c'en est trop. Il ne sait pas ce qui l'énerve le plus, à vrai dire. Devoir partager sa clope ou devoir partager cette bouche. D'un mouvement miroir à celui de Daisy, il lui ôte le tabac des lèvres, et l'écrase sous sa semelle. "Je suis désolé, Dee. Je le suis. Réellement. Mais je peux pas revenir en arrière. Parce que chaque fois que je pose les yeux sur toi, je pense à ta bouche sur la mienne et ça me tue." Il ferme les paupières en même temps que le poing, et le pose contre son front pour s'empêcher de l'envoyer dans le premier tronc d'abre qu'il trouve. Il s'en fout de l'incompréhension, de la pitié, qu'il lirait dans les yeux de Daisy si elle savait ce qu'il est en train de penser. Il s'en fout. Il voudrait qu'elle sache. Il veut rentrer à l'appartement, au petit matin, avec une lèvre fendue ou une tempe violette. Histoire de percer sa bulle. Qu'elle soit confrontée, une bonne fois pour toutes, à l'ouragan qu'elle éveille chez lui. Il a la rancune tenace, Toby. Il a la lave funeste. Il lui en veut. Il la déteste – il n'y a pas d'autre explication pour ce qu'il dit ensuite. "Je suis pas comme toi. Je baise pas d'une façon médicinale. Pragmatique. Ça doit être ça, la vraie différence entre toi et moi. La preuve : avec Iggy, c'était pas une prescription. C'était intense, inoubliable – désolé mais, à mes yeux, respirer à travers la bouche de quelqu'un d'autre, si, ça change les choses. Ça change absolument tout." Tous les coups sont permis. Tu sais quoi, t'as sans doute raison, Dee. J'ai besoin de faire mal pour montrer que j'ai mal. Et je suis désolé. Je t'aime, tu sais que je t'aime, mais ici, maintenant, j'espère que t'en crèves.  
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