such a bad day (sky)

Rosie elle a passé une mauvaise journée. Quoique non. Toutes les journées de Rosie sont de mauvaises journées. Celle-là était juste pire parce qu’elle était vide. C’était de ces journées, qu’elle passait sous sa couverture parce que son cerveau l'accablait de pensées parasites. Des parasites qui lui court-circuitaient tout le corps et qui l’empêchaient, physiquement, de se lever. C’était de ces journées qu’elle passait, portable en main à ne rien faire. Laisser défiler la musique sans vraiment l’écouter, lire des bêtises sur les réseaux sociaux sans y prêter attention... Glisser sa main sur sa côte pour toucher la boursouflure de sa cicatrice, et retenir le sanglot qui se coince dans sa gorge à chaque fois qu’elle repense à Alexandre. C’est pas forcément le quotidien de Rosie tout ça, parfois c’est supportable. Parfois elle parvient à sourire et à faire semblant de ne s’être jamais pris de coups de pied au visage par l’homme de sa vie, elle arrive à se lever pour aller voir ses chats et les nourrir, elle sait faire croire aux autres qu’elle a envie. Mais aujourd’hui n’était pas de ces jours. Aujourd’hui, c’était une mauvaise journée, parasitée par le vide.

Il est presque vingt-et-une heure quand Rosie sort enfin de son lit, pour aller aux toilettes. Elle appelle Judd. Aucune réponse, visiblement son colocataire s’en est allé. Elle repart dans sa chambre, s’assoie sur son lit et soupire. Elle se sent pas bien, et elle va disjoncter si elle reste toute seule une minute de plus. Elle n’a pas le courage de se traîner sous la douche, de se maquiller ou de se coiffer, elle attrape juste un collant pour habiller ses jambes nues, son sweat bien trop grand lui faisant office de robe, et une fois ses chaussures et son bonnet enfilés, elle sort du ranch. Son premier réflexe, c’est de se diriger vers le bar, mais ce soir il est plein. S’il y a autant de monde, ça veut dire que Daisy est surchargée de travail mais ce soir Rosie n’a pas le cœur à s’activer pour l’aider. Elle n’a pas envie de rester dans le brouhaha ambiant, trop chaleureux pour son humeur actuelle. Toutes ces voix, ces cris, ces rires ça lui donne envie de taper sur quelque chose, et en même temps ça l’effraie. Ça lui donne envie de se recroqueviller quelque part, de se boucher les oreilles et de pleurer. Elle aime pas être propulsée au milieu du bonheur des autres quand sa propre vie est plus ratée que l’échec en lui-même. Elle ne voit ni Judd, ni Noah, ni Sky dans la pièce. Elle sent une légère boule d’appréhension se former dans son ventre. Où ils sont ? La solution facile, ce serait de sortir son portable et d’appeler quelqu’un, mais elle n’y pense pas. La vie serait bien plus simple si Rosie était une personne logique.

Ses pas la guident vers l’appartement le plus proche : celui de Sky. Elle sait que de toutes les manières, même si elle vivait à plus de trois heures de marche c’est là-bas qu’elle irait. Parce que c’est de Sky dont elle a besoin actuellement. Sky c’est un peu sa maman poule, celle qui la protège et avec qui elle se sent en sécurité. C’est celle qu’elle admire, qui lui fait croire que c’est possible d’avoir de l’espoir, qu’il n’y a pas que les stupides qui sont heureux. Parce que Sky elle est intelligente et elle n’est définitivement pas malheureuse non plus. Sky elle s'en est sortie. Alors Rosie grimpe jusqu’à son appartement, et elle frappe trois fois à sa porte.

« Sky ? T'es là ? »

noyée, sky se noie littéralement dans son boulot, être styliste n'est pas de tout repos et elle en fait les frais aujourd'hui. en retard sur les croquis qu'elle doit faire, elle ne s'en sort plus, buvant du café ou du coca presque toute la journée pour s'activer mais rien n'y fait. elle doit terminer son boulot pour ce soir, pas pour demain. elle en peut plus mais elle reste forte continuant ce qu'elle doit faire, parfois en jetant les croquis parce que ce n'est pas ce qu'elle veut, s'énervant sur son crayon noir quand elle ne trouve pas l'inspiration, le mordillant quand elle est stressée, les heures filent à une vitesse monumentale, elles filent mais son travail ne file pas aussi vite qu'elle le voudrait.

il est vingt et une heure, toujours au travail à terminer ses croquis pour la nouvelle collection. elle n'a pas le temps de souffler, elle se dit qu'en rentrant, elle se ferait bien un bain pour se relaxer de cette journée éprouvante, c'est le cas de le dire ! elle finit trente minutes plus tard, soupirant de fatigue, peut-être de joie ou alors des deux, difficile à dire mais elle est contente, elle a bouclé son travail, les semaines seront plus calme. elle a qu'une seule hâte maintenant, c'est de rentrer chez elle et de pouvoir poser son popotin dans son canapé. ça ne doit pas être compliqué à faire après une si dure journée.

elle sort, se retrouvant seule sur le trottoir, dans le froid. ayant la flemme de cuisiner, passer dans un fast food, commander un big hamburger, des frites,... le repas idéal après une journée pareille, tant pis pour les kilos. le fast food se trouve à quelque pas de chez elle, ses pieds s'y dirigent presque seuls, elle commande ce qu'elle veut et rentre chez elle avec le sac qui sent bon l'odeur d'hamburger, montant à son étage avec l'ascenseur, elle en sort et voit une jeune femme à sa porte, Rosie. elle l'aime bien mais parfois, elle est un peu envahissante, Sky ne dit rien pour ne pas la blesser parce qu'au fond, c'est une petite jeunette, qui est un peu perdue dans sa vie, qui a besoin de quelqu'un et ce quelqu'un, c'est elle, Sky, la bonne copine qui est là tout le temps, à disposition vingt quatre heures sur vingt quatre, sept jours sur sept, youpi !
elle s'avance, léger sourire sur les lèvres même si elle n'a pas spécialement envie de voir quelqu'un aujourd'hui mais bon, elle peut pas la mettre dehors, elle s'en voudrait toute sa vie.

- Mais qu'est ce que tu fais là à cette heure-ci ? Pourquoi t'as pas appelé avant ?

ce genre de question qu'on pose toujours quand la personne est devant la porte et que personne est à la maison, ou à l'appartement. c'est peut-être con mais un téléphone ça sert à prévenir avant de venir aussi, pas juste pour s'amuser sur tinder, snapchat, instagram ou juste jouer à des jeux tout aussi débiles les uns que les autres.