love will never end, iggy.

- don't leave me now -
Les pièces sont mornes, vides, dénuées de cet amour explosif qui les avait autrefois caractérisés. Il ne reste plus rien de cette fanfare d'antan, si ce n'est des remords, des regrets à peine dévoilés, des rancœurs à peine étouffées. Il est seul pour le moment, et ne s'en formalise pas. La solitude lui faisait du bien au cœur ces derniers temps, il en appréciait les tourments. Adossé contre la fenêtre ouverte sur la ville paisible, il tire sur sa cigarette d'un air pensif. La clope, chose qu'il était parvenu à éradiquer en sa présence. Et qui, aujourd'hui, avait une allure de justicier pitoyable. Il était tombé bien bas, et pourtant il restait intimement persuadé que sa chute n'était pas terminée. Une porte que l'on claque le tire de ses songes, lui faisant abandonner le mégot dans le petit ramequin caché par là. Il referme la fenêtre, n'espérant qu'une chose, que tous ses problèmes s'envolent sous la brise hivernale. Il n'a pas besoin de se retourner, il reconnait son pas, son allure, ses gestes, à l'oreille. Il sait qu'il serait grand temps qu'ils se parlent, seul à seul, sans commérages ni prises de partie. Sans le poids des histoires, et de l'avenir qui s'écrira ou pas. A pas feutrés, tentant de lutter contre l'hésitation qui se fait grandissante, il s'approche de la porte de sa chambre. L'odeur de son parfum émane et lui caresse le visage, effluve aux souvenirs doux, et anciens. Et il s'efforce de ne pas se laisser gagner par l'émotion. Mais comment le pourrait-il? Iggy avait tout pouvoir sur lui, aujourd'hui encore. D'un mot, il était à sa merci, à genoux pour ses bonnes volontés. Iggy, c'était pour toujours. A jamais. - Qu'est ce que tu fais? - Sa voix est plus rauque qu'il ne le voudrait, et résonne bien trop fort dans le silence de l'appartement. Son regard se balade ici et là, reconnaissant son repère, se rassurant sur ces choses qui, elles, n'ont pas bougées. Et ses iris s'arrêtent sur une valise qu'elle remplit, et qui est bien trop remplie à son goût. - Tu vas quelque part? - Pertinente déduction Wolfie, il est rare de faire ses valises pour le plaisir simple. Et il le voit, à sa mine, qu'elle ne part en vacances. Ou qu'elle ne va pas par là, pour un bref instant. Il sent que quelque chose dans cette chambre a changé. Pas le mobilier, ni les photos, ni les odeurs. Elle.

Était-ce parce qu'elle venait de passer une journée atroce ? Parce qu'elle avait commencé par se renverser du café sur sa robe préférée pour ensuite trébucher sur le trottoir et croiser des clients peu aimables ? En réalité, tout avait été réuni pour la faire flancher. Aujourd'hui, Iggy avait le moral dans les chaussettes. Rien n'allait dans la colocation depuis déjà plusieurs semaines, et la rouquine d'habitude si joviale et positive n'arrivait même plus à trouver une once de chaleur en dehors de la maison. Tous ses repères s'effondraient les uns après les autres, l'isolant chaque jour un peu plus. Un rien la faisait pleurer, la déstabilisait. Iggy ne s'était jamais sentie aussi seule. Les yeux embués de larmes, la fleuriste rejoint son domicile, déterminée à agir. La rouquine n'était pas du genre à prendre des décisions importantes comme celle-ci sur un coup de tête, mais Iggy avait atteint un point de non retour. Elle ne voyait plus d'autres solutions que celle de s'éloigner un moment des zones sombres qui l'entouraient avant qu'elle n'implose. D'un pas décidé, la rouquine rejoignit sa chambre sans prendre la peine d'enlever chaussures et veste. Il fallait qu'elle fasse ça rapidement, avant qu'elle n'ait le temps d'y réfléchir ou de regretter. Sanglotant silencieusement, elle empoigna sa valise qu’elle posa sur son lit et entreprit de remplir avec tout ce qu'elle trouvait. Elle qui pensait être seule dans l'appartement, essuya un petit sursaut lorsqu'elle découvrit que Grey se trouvait sur le seuil de sa chambre. Son estomac se noua. Elle ne pouvait pas espérer pire pour réussir à la convaincre de quitter les lieux. Sa simple présence, bien que pénible en ce moment, était la seule qui pourrait l'empêcher de quitter les lieux. - Ça t'intéresse maintenant ? - La mâchoire serrée, Iggy lui tourna le dos et s'essuya discrètement les quelques larmes encore sur ses joues. Il était hors de question qu'il la voit ainsi. Elle se devait de rester forte, surtout devant lui. Sa fierté prenait toujours le dessus lorsque Grey était dans les parages. Il lui avait fait trop mal et elle ne se sentait jamais assez bien pour lui, ni avant, et encore moins maintenant. - Réjouis-toi, je m'en vais. Tu n'auras plus à me croiser tous les matins. - Sa voix se serra et Iggy dut se mordre les joues pour ne pas reprendre ses sanglots. La colère montait en même temps que sa tristesse et c'est dans des mouvements brusques que la jeune femme lançait ses affaires dans la valise qui débordait déjà. Tout ce qu'elle voulait, c'était en finir et courir chez ses parents, là où elle n'aurait pas besoin de faire bonne figure. Là où elle pourrait laisser exploser son chagrin.

Il sent son cœur se répandre en miettes sur le sol à l'intonation de sa voix, à la crispation de son être. Et pourtant il ne devrait pas être tant subjugué, il l'a bien cherché. Ils l'ont bien cherché. Quelle folie les avait transpercé ce jour là? Quel être démoniaque avait pris possession de leurs corps, et fait un tel gâchis? Une passion dévorante, probablement. Et cette incompréhension que les a noué, cette différence d'objectif qui les a séparé. Ils auraient du être plus fort, parvenir à surmonter ce flot de tourments. De simples et faibles mortels, voilà ce qu'ils étaient. Il voudrait l'arrêter, la faire cesser tous ces va-et-vient, l'immobiliser pour la serrer contre son cœur, organe débordant d'amour et de regrets. Mais l'hésitation, la crainte, le clouent sur place, pitoyable pantin inutile. Comment en étaient-ils arrivés là? - Ce que tu fais m'a toujours intéressé, ajoute-t-il avec sincérité. Le timbre de sa voix se fait plus doux, proche du murmure. Il avait toujours été attentif à ses faits, ses mots, ses rêves, s'en imprégnant pour s'emplir d'elle jusqu'à l'explosion. Même le dérapage avec Toby l'avait intéressé, même s'il en a prétendu le contraire, même si cette curiosité lui avait dévoré les sens. Il voulait tout savoir, juste que dans les moindres recoins de ce mystère qu'elle représentait. Mystère qui le tourmentait depuis le premier regard. Il s'assoit lentement sur le bord du lit, récupérant à gestes lents les vêtements chiffonnés pour les plier convenablement. Ses lèvres tremblent face à ce chemisier qu'il lui avait offert, lors de ce festival country non loin de Redcliff. A ce gilet en dentelle qu'elle portait lors de leur premier rendez-vous officiel. Même sa garde robe s'obstinait à lui rappeler à quel point elle était le pilier de son existence, et que sans elle tout n'était que ténèbres. Il inspire, profondément, désireux de dénouer ce nœud qui lui enserre la gorge, qui le rend bancal, instable. - On s'est beaucoup blessé, pas vrai, murmure-t-il, confession presque inaudible, en posant à regret le gilet dans sa valise. Il lui avait promis le meilleur, s'était moqué du pire, estimant qu'il n'était pas de ce genre. En cela résidait sa punition, son excès de prétention, sa folie des fonds. Il devrait se résoudre à la laisser partir, à lui laisser cette liberté d'oublier qu'elle mérite. Cette liberté de le détester à outrance, pour tous les maux qu'il a causé. Mais il a toujours été égoïste en ses sentiments, et la voir tourner les talons n'était pas envisageable. Il n'était pas prêt. Et ne le serait pas. Jamais. - T'en as déjà parlé? Je veux dire, aux concernés, glisse-t-il en essayant une maigre tentative pour changer la direction, un espoir vain de débuter une conversation. Il ne savait plus comment faire, que dire, qu'espérer. Si ce n'est qu'elle ne s'évapore pas, qu'elle reste à portée. A sa portée.

Il lui était tout bonnement impossible de le regarder. Elle en était incapable. Elle se conduisait comme une enfant capricieuse en ce moment, mais elle n'avait pas d'autres choix si elle voulait tenir la promesse faite à elle-même. Croiser son regard, plonger dans ses yeux, c'était l'emmener tout droit à sa perte. Il ne s'en rendait peut-être pas compte mais Grey était le seul être capable de lui faire autant mal et qu'elle continuait à aimer passionnément. La rousse perdait tous ses moyens lorsqu'elle sentait sa présence. Elle se transformait en une petite biche inoffensive, une poupée manipulable, une guimauve incapable de prendre les bonnes décisions, celles qui lui permettrait de sauver les quelques poussières de son cœur meurtri. - Vraiment ? - Sa voix se brisa, alors que son ton se voulait froid et acerbe. Iggy était en colère. Tellement en colère qu'elle ne parvenait plus à mesurer la gravité réelle des événements. Pour elle, il n'avait pas le droit de dire ça. Il n'avait pas le droit de lui dire qu'elle l'intéressait toujours. Si cela avait été le cas, il aurait peut-être réagit autrement quand elle lui avait parlé d'avenir. La mâchoire serrée, la jeune femme continuait son manège en mettant tout en œuvre pour éviter ce silence pesant qui s'installait entre les deux anciens amants. Les vêtements volaient à travers la pièce, et au final, la jeune femme en mettait d'avantage à côté que dans sa valise, mais elle ne le remarquait même pas. Toute son attention se portait sur sa colère grandissante. Elle bouillonnait, était proche de l'explosion. - C'est tout ce que tu as à dire ? - Sa voix s'éleva dans la pièce et dans un élan de colère, elle se décida enfin à lui faire face. Elle avait parlé fort. Trop fort. Lorsqu'elle croisa son regard, elle regretta presque immédiatement. Car, pour la première fois depuis qu'ils s'étaient quittés, Iggy ne décelait pas une once de froideur dans ses yeux. Retenant péniblement ses larmes, la jeune femme se pinça les lèvres et l'observa silencieusement depuis l'autre bout de la pièce, incapable de trouver ses mots, incapable de s'exprimer comme elle l'espérait. Pardonne-moi. Pardonne-nous. Ne me laisse pas. Voilà ce que son regard voulait vraiment dire, les mots durs qui sortaient de sa bouche n'étaient qu'une façade qu'elle était obligée de tenir pour ne pas sombrer. - Qu'est-ce que ça peut faire (...) ce sera mieux pour tout le monde si je ne suis plus là, tu ne crois pas ? - Son ton se fit plus doux. Iggy passait du chaud au froid, du froid au chaud, la jeune femme avait l'impression de ne plus rien contrôler. Ses émotions sortaient subitement, brutes de décoffrage, et même elle avait de la peine à se suivre. Non elle n'avait averti personne, car il y a encore une heure, elle n'imaginait pas prendre une telle décision. Elle n'imaginait pas en être arrivée à un point de non retour. - Je ne vois pas d'autre issue, Grey. Je ne vois rien d'autre. - Dans un murmure, elle étouffa un sanglot avant de lâcher à terre le vêtement qu'elle tenait. C'était trop dur. Trop dur de le voir ici, dans cette chambre. Trop dur de croiser ses yeux clairs déroutants et de sentir son odeur tous les jours sans pouvoir enfouir sa tête au creux de son cou.