(003.) clive c'est son tweedle dee alors qu'il est son tweedle dum. à deux, ils formaient ces jumeaux démoniaques prêts à conquérir le monde, à qui rien ne résiste. ils se sont aimés comme des frères allant jusqu'à lier leur sang étant gamins. et c'est sans nul doute parce que jedh l'a autant aimé qu'il le déteste à en mourir aujourd'hui. une haine proche de la folie qui s'anime à chaque échange furtif de regard, à chaque fois qu'il repense à ses lèvres s'écrasant sur celles charnues et délicieuses de sa belle.
(009.) dans ses nuits les plus sombres il revoit ces deux visages se rapprocher l'un de l'autre. et dans un cri de désespoir il se réveille en sueur, le coeur battant et les yeux gorgés de sang. parce que jedh est bien loin de connaître cette vérité qui se cache derrière l'horreur de ce baiser échangé à la volée. il ne connaît rien de ce subterfuge visant à le forcer à signer des papiers qu'il a depuis bien longtemps abandonnés au fond d'un tiroir.
( ★★★ )
Une épave serait un euphémisme pour caractériser l'état dans lequel Jedh se trouvait. Sale, dépravé, dans un état de conscience assimilable à un semi-coma, il gisait tel un cadavre sur le canapé du salon. Les seules raisons qui le poussaient à errer dans l'appartement étaient pour se nourrir - lorsqu'il le faisait - fumer une cigarette - s'il ne la fumait pas étalé sur le sofa - ou remplir son verre - lorsqu'il ne buvait pas à même la bouteille. Le regard dans le vague, il se laissait bercer par cette musique qui, telle une torture, tournait en boucle depuis des jours. Cette musique,
leur musique. Un bout de salade tenu du bout des doigts, il la poussait en direction de cet animal qui s'animait sur son abdomen. La torture s'avançait lentement pour venir croquer à plusieurs reprises la laitue qui s'offrait à elle.
Seul. Voilà comment il se sentait : atrocement seul. L'unique compagnie qu'il avait eut durant ces derniers jours était celle de cet animal peu bavard et aux démonstrations d'affection énigmatiques.
Ce n'est plus que toi et moi maintenant, ma petite Gladys. Passant son doigt sur la tête rugueuse de la tortue, Jedh tenta une caresse alors qu'un semblant de sourire triste se dessinait sur ses lèvres. Gladys et Keane le berçaient dans ses journées et ses nuits cauchemardesques. Elle était partie. Elle. Sa Harlow tant aimée. Elle l'avait abandonné, le laissant seul avec ses questions. Questions qui lui torturaient sans cesse l'esprit.
Qu'avait-il donc fait pour qu'elle le quitte ? Rien dont il puisse se souvenir.
Comment en étaient-ils arrivés à l'ennui dans leur couple ? Il refusait de méditer à ce sujet, la peine étant trop forte. Son portable posé non loin de lui sur la table, dans l'espoir de recevoir de
ses nouvelles ne cessait de sonner. Pourtant le son n'atteignait pas ses oreilles assourdies par le battement de son coeur contre ses tempes. Ce n'est qu'au bout du cinquième appel qu'il consenti à répondre à Clive.
Un peu plus et je me serais dit que tu t'étais enfin décidé à te jeter sous les rails du train. Bien qu'il ne puisse pas le voir à l'autre bout du fil, Jedh leva les yeux au ciel avant de se laisser s'enfoncer dans le moelleux du canapé.
Je t'appelle pour prendre de tes nouvelles, c'est pas que je m'inquiète, mais si en fait. Gloria m'a appelé.. elle m'a prévenu que tu n'étais pas venu bosser depuis une semaine et autant te dire que c'est pas ton genre de laisser tomber les cuisines. -
Je vais bien merci de t'en inquiéter, salut Clive. -
Non non non, attend ! Jedh s'apprêtait à raccrocher, mais il resta un instant silencieux, la main hésitante. Un long et profond soupir s'extirpait de ses lèvres accompagnant la fermeture de ses paupières, lui permettant de canalyser cette douleur qui lui empoignait le coeur.
Je sais que ça ne va pas, je ne suis pas dupe et franchement ça m'étonne que tu puisses croire pouvoir me la faire à l'envers. A moi.. Jedh, je t'assure que je te connais assez pour savoir que la maison est dans un état pitoyable tout comme toi, et ce à des centaines de kilomètres ! Touché. Jedh restait silencieux, laissant à son ami l'opportunité de parler. Il réprimait cette tentante envie de lui raccrocher au nez, lui, l'unique personne avec qui il avait eut une conversation depuis plusieurs jours en dehors de .. Gladys, ce qui n'était pas très glorieux.
Tu veux que je vienne ? -
Non.. -
Alors rejoins-nous à Redcliff, ne serait-ce que pour quelques jours.. A nouveau ce soupire. Jedh passait sa main libre dans ses cheveux sales. Il n'envisageait cette proposition que dans le but de le faire taire.
Pourquoi faire ? Je suis très bien là où je suis. -
Ca te forcerait peut-être déjà à prendre une douche. Mec, tu pus à travers le combiné je te jure ! Puis tu reverrais tes proches, on s'inquiètes tu sais .. puis moi ça devrait te suffire. Clive marqua un temps d'arrêt, comme s'il hésitait à aller au fond de ses pensées. Quelques secondes durant lesquelles aucun des deux amis ne s'était décidé à prendre la parole.
Puis aller voir Harlow pour commencer, parler avec elle peut-être, essayer de régler vos problèmes. Sentant certainement qu'il avait fait mouche, Clive esquissa un sourire que Jedh était capable de deviner, même à l'autre bout du continent.
Pour répondre à la question que tu te poses : oui elle est à Redcliff. Où d'autre voudrais-tu qu'elle aille de toute façon ? Bordel bouges-toi le cul et arrêtes de faire l'abruti à te morfondre chez toi ! -
Je t'emmerde Clive, d'accord ! dit-il sans vraiment le penser avant de raccrocher et de s'étaler telle une larve en compagnie de Gladys qui le toisait en bougeant sa tête de façon étrangement mignonne. Après sa torture mentale habituelle, Jedh s'était endormi à la nuit tombée, ravalant les larmes de détresse qui menaçaient d'exposer sa tristesse.
(...) Quelques jours plus tard, il empaquetait ses affaires. Gladys dans sa cage, calée sous son bras, il était prêt à retourner sur les terres de ses racines, persuadé que s'il la retrouvait, tout s'arrangerait.
( ★★★ )
Trois semaines. Trois longues semaines que ses yeux ne s'étaient pas posés sur son radieux visage. Trois semaines qu'il rêvait de pouvoir à nouveau toucher sa peau mâte et douce. Trois semaines où son absence était comparable à la torture d'un coup de poignard. Face à la porte qui, il l'espérait, la mènerait à elle, Jedh inspirait longuement. Pendant quelques secondes qui lui parurent durer des heures, il s'humidifia les lèvres, contenant sa respiration pour qu'elle atteigne un rythme quasi normal et concentra toute son énergie pour ne pas s'ébranler une fois face à elle. Puis il la poussa enfin, cette porte. Il la poussa sans un bruit. Comme hypnotisé, il s'avançait dans l'allée qui descendait jusqu'à l'estrade sur laquelle ils se trouvaient.
Harlow et Clive. Ses sourcillent s'étaient froncés. Un mauvais presentiment envahissait son corps d'un frisson presque douloureux. Son coeur s'accélérait à mesure que ses pas le conduisaient à eux, pas lents, automatiques. Il lui sembla croiser le regard de Clive un instant, mais la seconde suivante une vision d'horreur s'offrit à lui. Clive s'emparait des lèvres d'Harlow dans un baiser profond et langoureux. Estomaqué, les yeux ronds sortant de leurs orbites, sa bouche se faisait pâteuse et ses mains moites et tremblantes. Jedh eut tout d'abord un mouvement de recul. Sans cligner des yeux, il contemplait la scène avec dégoût. Les yeux clos, il se mit à rire en silence, évacuant cette rage qui prenait possession de son corps. Ses poings s'étaient serrés, il faisait demi-tour tour, claquant derrière lui cette porte qu'il pensait libératrice.
Jedh attends ! Un sourire haineux sur les lèvres, il continuait à avancer à pas rapides jusqu'à la sortie, espérant que Clive s'arrête de lui courir après.
Jebediah ! Le poing serré, le mâchoire cripsée, Jedh pensa un instant à se retourner pour évacuer sa haine en laissant son poing s'écraser contre la joue de son dit
ami, mais il se ravisa au moment où Clive atteint sa hauteur.
Jedh, laisse-moi juste m'expliquer.. -
Il n'y a rien à dire, rien.. Ravalant à nouveau un rire, il se pinçait les lèvres assez fort pour contenir cette houle de sentiments qui se déversait en lui. Ne pas craquer, surtout ne pas craquer.
Tu voulais que je viennes pour avoir des réponses à mes questions, je pense en avoir vu assez pour comprendre. La mine de Clive s'était crispée, bien conscient de la détresse et la haine de son ami.
Ecoute.. la situation est plus compliquée que tu ne le crois et ... -
Te fatigues pas mon vieux. Si elle est heureuse ainsi, que veux-tu que je fasse ? Prends soin d'elle, c'est tout ce que je te demande. Fais-le en souvenir de notre amitié qui malheureusement prend fin aujourd'hui. Clive s'avança d'un pas, pensant un instant à le retenir. Seulement, Jedh s'était déjà retourné et marchait en direction de la sortie, d'un pas plus lent et résigné. Dans sa fuite il lui sembla entendre comme un murmure des excuses qui ne désirait pas accepter.
Je suis désolé. Dehors, et parce qu'il ne pouvait plus tout contenir, Jedh frappa violemment le mur de brique qui servait d'édifice au lycée. Il criait à qui voulait bien l'entendre cette rage qui le consumait. Tous les regards étaient tournés vers lui, mais il n'en avait que faire. Il n'en désirait qu'un seul de regard et il l'avait perdu.